Kenya: les évêques protestent contre la fermeture de camps de réfugiés

Kenya: les évêques protestent contre la fermeture de camps de réfugiés

«Tu n'exploiteras pas l'immigré, tu ne l'opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d'Égypte». Ce verset du Livre de l'Exode inaugure le message publié par la conférence épiscopale du Kenya le 9 avril dernier, après l'annonce du gouvernement de fermer les camps de réfugiés de Daadab et de Kakuma, au centre et dans le nord du pays.

«Le principe de non-refoulement»

Ces deux camps accueillent environ 410 000 réfugiés et demandeurs d'asile, principalement originaires de Somalie. L'exécutif a justifié sa décision invoquant des raisons de sécurité: empêcher les infiltrés d'Al Shabaab, le groupe djihadiste somalien proche d'Al Qaeda, d'entrer au Kenya. L’annonce de cette fermeture intervient alors que les relations sont particulièrement tendues entre le Kenya et la Somalie. 

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Dans ce contexte, l’épiscopat rappelle «le principe de non-refoulement» et souligne qu'«il est non seulement nécessaire, mais aussi important et humain de soutenir les personnes les plus vulnérables de la société, en leur donnant une seconde chance d'avoir un endroit où se sentir chez soi». Les causes qui poussent les réfugiés à quitter leur patrie sont également nombreuses, renchérissent les évêques, énumérant le manque de ressources, la mauvaise gouvernance, les effets du changement climatique et les abus de toutes sortes contre les droits humains; autant de facteurs aggravés par la pandémie de Covid-19 qui requiert des mesures sanitaires spécifiques.

La protection des plus fragiles

Dans les camps de réfugiés de Daadab et de Kakuma, insiste ce message des évêques, vivent «des femmes, des enfants et des personnes âgées, des personnes devenues encore plus vulnérables en raison de la crise sanitaire». Ainsi, au lieu de fermer les deux structures, «il est temps de protéger et d'accueillir les plus fragiles de la société», tonnent-ils.

Les évêques articulent leur propos en quatre points: le retour forcé des réfugiés en Somalie, où il y a encore des attaques contre les civils et des conditions d'insécurité, causerait des souffrances supplémentaires pour les femmes et les enfants; selon le droit international, les réfugiés ne peuvent être rapatriés que lorsque, dans leur pays d'origine, la situation a changé et qu'il existe «un gouvernement démocratique qui respecte les droits de l'homme et l'État de droit». «Ce n'est pas le cas en Somalie», d’où la nécessité «de respecter le principe de non-refoulement».

Aider, au lieu de fermer

Ensuite, la conférence épiscopale kényane a souligné que la question des réfugiés appelait «une approche intégrale», incluant «la protection des demandeurs d'asile» et «un soutien adéquat, y compris financier, pour ceux qui pourraient se rapatrier volontairement». Par ailleurs, selon les évêques, le gouvernement de Nairobi doit dialoguer et collaborer avec tous les acteurs de la société afin d’«assurer une solution durable pour le bien commun des réfugiés».

Enfin, les évêques demandent expressément à l'exécutif de «mettre de côté l'idée malheureuse» de fermer les camps de réfugiés, en augmentant plutôt «la sécurité et l'aide de base pour les réfugiés», à l’heure où l'humanité est confrontée à de graves défis économiques et psychologiques.

L’appel des jésuites du Kenya

Le Service Jésuite des Réfugiés (JRS) au Kenya affiche la même position que les évêques. Tout en reconnaissant et appréciant les efforts et l'engagement dont a fait preuve le gouvernement «en accueillant et en protégeant généreusement les réfugiés et les personnes déplacées au fil des ans, garantissant un espace sûr pour des milliers de familles demandant l'asile», le JRS Kenya recommande néanmoins à l'exécutif de Nairobi «de faire preuve de la plus grande prudence en ce moment particulier d'incertitude», en considérant le principe de non-refoulement et «l'obligation morale de prendre soin des plus vulnérables de la société et de poursuivre le bien commun».

Des camps nés il y a 30 ans

Ces deux camps kényans ont près de 30 ans d’existence. En 1991, Dadaab est créé pour faire face à l’afflux de réfugiés somaliens qui fuient la guerre civile.

L’année suivante, Kakuma voit le jour à son tour pour accueillir «les enfants perdus du Soudan», qui fuient eux aussi les combats. Ils sont rejoints par d’autres réfugiés en provenance d’Éthiopie, dans le sillage de la chute du dictateur Mengistu.

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