La France fille ainée de l’Eglise – 22e partie


 


I Une longue Saint Barthélémy de catholiques 


« Un vainqueur qui fait mourir ses ennemis captifs est appelé barbare ! Un homme fait qui égorge un enfant qu’il peut désarmer et punir, parait un monstre ! Un accusé que la société condamne n’est tout au plus pour elle qu’un ennemi vaincu et impuissant ; il est devant elle plus faible qu’un enfant devant un homme fait… Le législateur qui préfère la mort et les peines atroces aux moyens plus doux qui sont en son pouvoir, outrage la délicatesse publique, émousse le sentiment moral chez le peuple qu’il gouverne… ». Ces paroles furent prononcées à l’assemblée constituante le 30 mai 1791 par Maximilien de Robespierre ! Ce qui ne l’empêchera pas de demander la mort immédiate et sans procès du roi Louis XVI à la Convention le 3 décembre 1792 : « Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive… Pour lui je demande que la Convention le déclare dès ce moment traître à la nation française, criminel envers l’humanité. » Au nom d’une humanité sensible, Robespierre s’opposait un an plus tôt à ce qu’on mît des hommes à mort, il demeure logique et sensible en demandant qu’on élimine un criminel contre l’humanité et un roi en constitue le plus bel exemple, car sa nature même l’entraîne à commettre des crimes. C’est plus à cause de ce qu’il est que Louis XVI doit être mis à mort, ses actes n’ont aucune importance, ils découlent de son être, ce qui rend le procès inutile et de plus dangereux, car il supposerait que l’on doutât encore de la nocivité de ses actes, donc du caractère monstrueux et irrécupérable de son être même. 


Ainsi les prêtres non-jureurs seront désignés sous le nom de « fanatiques », et les Vendéens qui voulaient leur rester fidèles deviendront des « brigands », qualificatifs qui les placent parmi les criminels contre l’humanité, coupables de crimes de lèse-Nation Française, modèle, s’il en fut de l’humanité régénérée par la raison. Et comme dans les couches « vulgaires » de population, la sensibilité devient très vite sensiblerie, on passe facilement à la rage meurtrière. Ceux qui vont provoquer la chute du roi par la violence, parce qu’ils avaient bien compris qu’ils n’avaient pas d’autres moyens, vont habilement utiliser toute cette « mécanique » ! Le travail idéologique, antichrétien avait été accompli depuis plus de cinquante ans par les philosophes des Lumières. Le roi, avec son veto était l’obstacle à l’asservissement du clergé à l’idole Nation, alors on va supprimer le roi avec des méthodes propres à susciter la terreur. Le 10 août 1792 a lieu la prise des Tuileries avec le massacre des gardes suisses, tous tués dans des conditions abominables. Des femmes coupèrent leur sexe pour en faire des trophées et on se livra au cannibalisme en mangeant leur foie fricassé… et j’en passe. 


Et comme on se trouvait en guerre, on en profita pour arrêter dès le lendemain du 19 août tous les prêtres non- jureurs. Le 2 septembre, ils furent tous massacrés dans leur prison, aux Carmes, au nom de l’état de guerre. Sur cent cinquante prêtres prisonniers, cent quinze sont massacrés. Il fallait déjouer «  les complots de l’arrière ». Et il y aura d’autres massacres. Le ton était donné, on élisait de plus une nouvelle assemblée, la Convention, élue par moins de 10% de la population. L’assemblée législative, le 20 septembre, prit l’initiative de voter le divorce et l’interdiction des vœux perpétuels, le ton  était donné ! Le  lendemain, 21 septembre, la même Convention décrète l’abolition de la royauté et établit une république « baptisée » dans le sang des prêtres martyrs et dans la profanation du sacrement du mariage, des papes le rappelleront ; je mentionne ce détail pour certains catholiques qui semblent l’avoir oublié ! 


Une des premières préoccupations de cette assemblée est le sort du roi. Contrairement au vœu de Robespierre, il y aura procès, ou plutôt simulacre de procès. Quelques excellents livres, dont celui de Jean-Christian Petitfils, relatent très bien cet épisode peu glorieux de notre histoire. Je le résumerai d’une phrase de la plaidoirie de Romain Desèze s’adressant aux conventionnels : « Je cherche en vous des juges et je ne vois que des accusateurs ». Louis XVI fut guillotiné le 21 janvier 1793, non pour des actes mais pour ce qu’il était, roi (donc un monstre), fanatique (= catholique). 


Je crois maintenant utile et conforme au sujet que je veux traiter de donner quelques extraits de l’allocution que le pape Pie VI prononça le 11 juin devant ses cardinaux réunis en Consistoire et daté du 17 juin 1793, Quare lacrymae : « Vénérables Frères, comment Notre voix n’est-elle point étouffée dans ce moment par Nos larmes et nos sanglots ? N’est-ce pas plutôt par Nos gémissements que par Nos paroles qu’il convient d’exprimer cette douleur sans bornes que Nous sommes obligés de manifester devant vous en vous retraçant le spectacle que l’on vit à Paris le 21 du mois de janvier dernier. Le Roi très chrétien Louis XVI a été condamné au dernier supplice par une conjuration impie et ce jugement s’est exécuté… » Le pape évoque les différents malheurs que le roi a eu à supporter et arrive à son testament : « Quelle haute idée on y conçoit de sa vertu ! Quel zèle pour la religion catholique ! Quel caractère d’une piété véritable envers Dieu ! Quelle douleur, quel repentir d’avoir apposé son nom malgré lui à des Décrets si contraires à la discipline et à la Foi orthodoxe de l’Église. » Et continuant à décrire le roi, il note pour conclure une première partie « qu’on le calomniait dans les assemblées du peuple, non pour avoir commis un crime, mais parce qu’il était Roi, ce que l’on regardait comme le plus grand de tous les crimes. Et qui pourra jamais douter que ce monarque n’ait été principalement immolé en haine de la Foi et par un esprit de fureur contre les dogmes catholiques ? » Le pape poursuit par une dénonciation de la philosophie des Lumières et les funestes principes qu’elle a inspirés, comme la constitution civile du clergé, et il revient sur les motifs de sa condamnation à mort : « On s’est efforcé, il est vrai de charger ce Prince de plusieurs délits d’un ordre purement politique. Mais, le principal reproche qu’on ait élevé contre lui, portait sur l’inaltérable fermeté avec laquelle il refusa d’approuver et de sanctionner le décret de déportation des prêtres, et la lettre qu’il écrivit à l’évêque de Clermont pour lui annoncer qu’il était bien résolu de rétablir en France, dès qu’il le pourrait, le culte catholique. Tout cela ne suffit-il pas pour qu’on puisse croire et soutenir sans témérité, que Louis fut un martyr ? … Sa mort fut votée en haine de la religion catholique ; de sorte qu’il parait difficile que l’on puisse rien contester de la gloire de son martyre… Nous avons la confiance qu’il a heureusement échangé une couronne royale toujours fragile et des lys qui se seraient flétris bientôt contre cet autre diadème impérissable que les anges ont tissé de lys immortels. » Et voici la conclusion : « C’est pourquoi, pour achever ce qui Nous reste à dire, Nous vous invitons au Service solennel que Nous célébrerons avec vous pour le repos de l’âme du Roi Louis XVI, quoique les prières funèbres puissent paraître superflues quand il s’agit d’un chrétien qu’on croit avoir mérité la palme du martyre, puisque Saint Augustin dit que l’Église ne prie pas pour les martyrs, mais qu’elle se recommande plutôt à leurs prières. »


D’autres martyrs catholiques vont suivre le roi sur l’échafaud ou dans les grandes répressions de groupes, les noyades de Nantes, les combats en Vendée dont la question religieuse fut la première cause, les fusillades de Lyon, etc. Les 21 et 26 octobre 1793, la Convention avait voté des lois permettant l’arrestation et la peine de mort appliquée immédiatement aux prêtres non jureurs, ou aux religieux (puisque les vœux étaient interdits, à peu près 1000 religieux et 200 religieuses sont rapidement exécutés). Jean Tulard indique que 30.000 ecclésiastiques quittèrent la France à ce moment-là, les évêques étant partis avec la noblesse dès 1790. (1) Le 25 janvier 1794, la Convention décida la déportation des prêtres en Guyane, et ils sont menés, à pied, dans des conditions souvent terribles, pour les plus âgés en particulier, dans des ports comme Rochefort, et Bordeaux. Beaucoup eurent droit aux sinistres pontons du bateau « Les Deux Associés », ancien navire négrier. Détenus dans des conditions effroyables, le typhus et le scorbut augmentèrent le nombre de morts, il fallut évacuer les vivants sur l’Île Madame pour éviter la contagion. On y mourrait très vite, de juillet à novembre 1794, sur 83 malades débarqués, 36 sont morts quelques heures après. On déportera  aussi réellement en Guyane au cours de voyages très meurtriers, pour y faire vivre les rescapés dans des conditions très difficiles, et tout cela ne s’arrêta pas avec la chute de Robespierre, le 28 juillet 1794. 


 


Il De la guillotine humide à la guillotine sèche 


Le Directoire fut en fait plus antichrétien, surtout à cause d’un des Directeurs, Louis Marie de La Révellière-Lépeaux, adepte du culte théophilanthrope. Ce culte que l’on pourrait qualifier de naturaliste, parce qu’il prétend obéir à la loi naturelle, venait d’un certain Jean-Baptiste Chemin, ami de l’abbé Claude Fauchet, qui sera évêque constitutionnel du Calvados, et il ne connaîtra de succès qu’après Thermidor, suite à l’échec des deux religions de remplacement du catholicisme, le culte de la Raison, et de l’Être Suprême. Il faut en dire maintenant quelques mots, car certains, pour des raisons diverses minimisent ou confondent les deux. Or cette question est loin d’être secondaire, parce qu’au travers de ces deux cultes, elle montre la volonté des révolutionnaires de déchristianiser la France. 


Dans l’ordre chronologique, c’est le culte de la Raison qui est apparu en premier dès 1793, il se présente d’emblée comme anticatholique parce que toujours précédé de défilés grotesques, ridiculisant le catholicisme, âne revêtu d’une chasuble, et de divers ornements ecclésiastiques, un calice ou un ciboire attaché à la queue, et on se rendait dans une église, anciennement catholique, pour y célébrer les vertus de la liberté et de l’égalité, au travers des « premiers martyrs » de la République, Lepelletier de Saint-Fargeau puis Marat, ou de ses « prophètes » comme Voltaire « panthéonisé », la déesse Raison apparaissait dans le chœur sous la forme d’une beauté féminine, une danseuse classique en général. Pour Paris, la première cérémonie eut lieu à Notre Dame, devenue Temple de la déesse Raison, avec l’accord de l’évêque constitutionnel Gobel, organisée par Pierre Gaspard Chaumette, ami d’Hébert, et ce, le 10 novembre 1793. Exceptionnellement ce fut la femme de l’imprimeur Momoro, lui aussi ami d’Hébert, qui jouera le rôle de la déesse et qui fut portée en triomphe à la Convention pour inviter les députés à venir participer à ce culte, ce qu’ils firent ! Or ce culte de la Raison était manifestement athée, comme tous ses protagonistes. Avant cette fête, le 7 novembre, Jean-Baptiste Gobel, évêque constitutionnel de Paris, était venu en bonnet rouge à la Convention, mitre et crosse à la main, se démettre de ses fonctions qu’ils jugeaient désormais inutiles ! 


Robespierre n’apprécia pas, il préparait le culte déiste de l’Être Suprême, impliquant un dieu créateur et l’immortalité de l’âme. Ce culte était le garant de la morale et de la vertu, auxquelles il tenait tant. Il nécessitait aussi le maintien d’un minimum de sens du sacré à la mode de Jean-Jacques Rousseau. Robespierre va donc réagir dès le 5 février 1794 dans un grand discours à la Convention le 5 février 1794, ayant éliminé les Girondins en mai 1793, Barnave et Philippe Égalité en novembre 1793. Il ne restait plus que les athées extrémistes, Hébert et ses amis, puis Danton et les siens, mais ce sera chacun son tour. Robespierre pouvait utiliser les derniers contre les premiers et évitant ainsi une alliance objective des deux partis contre lui. Il commença ainsi « Nous voulons en un mot, remplir les vœux de la nature, accomplir les destins de l’humanité, tenir les promesses de la philosophie, absoudre la Providence du long règne du crime et de la tyrannie. » (2) « Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu. » (3) Le 7 mai 1794, il pourra poursuivre son propos à la Convention (Hébert et ses amis étant guillotinés) : « L’idée de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme est un rappel continuel à la justice ; elle est donc sociale et républicaine. » (4) Que cela déplaise ou non, le culte de l’Être Suprême est inséparable de son programme politique. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait appel à Gossec, un des plus grands musiciens français de son temps, pour composer l’hymne. Quant aux paroles, elles ne sont pas à la hauteur de la partition, j’ai essayé d’expliquer pourquoi (5) mais elles expriment bien sa pensée. 


La fête du 4 juin ne fut qu’un demi succès, c’est à dire un échec pour Robespierre. Il tomba malade, fut absent du comité de salut public et revint subitement, fut extraordinairement malhabile dans son discours et par son attitude et il se perdit en vingt-quatre heures ! Bonaparte, ami de son frère, fut témoin de cette chute qui, grâce à Barras, ne lui fut pas fatale mais utile. Bonaparte put mesurer à la fois la faute de Robespierre et la faiblesse du nouveau pouvoir qui devait sans cesse avoir recours à ses généraux. Il fut le « général Vendémiaire » (celui de la répression contre les royalistes), il constata l’inanité du Théophilothranpisme comme religion d’État, mais constata que les grands dirigeants politiques qu’il avait connus croyaient à la nécessité de la présence d’une religion dans la société, dans le but d’aider à maintenir l’ordre et un minimum de morale. Il va être témoin de la première séparation de l’Église et de l’État votée par la Convention thermidorienne le 21 février 1795, mais oh combien ambiguë ! Cette première séparation ramenait en fait à la liberté de culte, au « prix » de n’en subventionner aucun. Mais concrètement cela avantageait le catholicisme, jureur ou non, l’évêque Grégoire avait été à la manœuvre.


 


IlI « Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte » (Victor Hugo)


Quand Bonaparte se trouva en guerre en Italie, il agit en militaire remarquable mais aussi en politique habile. Dans le temps où il écrivait à La Reveillière-Lépeaux, Directeur très anticatholique, en lui parlant de la prêtraille, il traitait avec beaucoup d’égards le Saint-Père dans sa correspondance avec le Cardinal Mattéi (6). Le 2 février 1797, Bonaparte était maître de l’Italie du Nord et avait les mains libres pour le centre. A-t-il été sommé d’en finir avec le Saint-Siège, comme le laisse entendre Jacques Bainville dans son « Napoléon » ? (7). Il ne le fit pas et signa même avec le pape Pie VI le traité de Tolentino le 19 février 1797. Cet accord coûta cher à la papauté en œuvres d’art, en argent et en territoires (perte d’Avignon et du comtat Venaissin, et d’autres territoires italiens). Mais Rome n’est pas occupée militairement et le pape garde des États, ce qui n’a pas dû être simple à obtenir de certains Directeurs parisiens, mais il fallait que l’armée de Bonaparte pût marcher contre l’Autriche. Il semble bien aussi que dès cette période, le général de l’armée d’Italie ait senti grandir ses chances politiques. D’après Bainville, il se serait même rallié l’évêque d’Immola, le cardinal Chiaramonti, futur Pie VII. En tous cas, il n’a pas exercé de représailles sur les prêtres émigrés français de la région et aurait même visité un chanoine de sa famille nommé Bonaparte à San Miniano (8). 


Ce qui ne l’avait pas empêché, quelques temps auparavant de menacer de fusiller le cardinal archevêque de Ferrare devant ses soldats, tous républicains révolutionnaires ! Le traité de Campo Formio qui va apporter la paix donnera aussi au général Bonaparte sa gloire, que son éloignement en Égypte ne fera pas oublier. Le 18 Brumaire sera à la fois une consécration, et un début, car il va lui falloir établir un pouvoir exécutif fort, contre son allié du moment Sieyès, incorrigible dévot de constitutions dominées par des assemblées ! Elles subsisteront, et il faudra compter avec, nous le verrons. 


Le pouvoir du Premier consul de la République sera très largement prépondérant sur les deux autres, mais il faudra tenir compte de l’existence des différents conseils et assemblées du Consulat. Depuis le 17 octobre 1797, traité de Campo-Formio, consacrant la victoire sur l’Autriche après des batailles qui lui ont valu sa renommée et gloire, Bonaparte sait que son succès, son arrivée au pouvoir et maintenant sa consolidation, dépendent de son action victorieuse et pacificatrice. Or l’Autriche, bien qu’abandonnée par la Russie mais soutenue financièrement par l’Angleterre, a repris les hostilités. Une armée de 120.000 hommes est à la frontière est et les territoires italiens conquis au moment de la paix de Campo-Formio sont repris par les Autrichiens. Bonaparte doit donc prendre le risque de quitter Paris pour aller se battre en Italie. Le 14 juin 1800, il remportera la victoire de Marengo qui assoira son pouvoir mais montrera aussi à quel point la trahison le guette. Cette incontestable victoire commença en effet pendant plusieurs heures à ressembler à une défaite, que certains imprudents croiront définitive, dévoilant leurs intentions. Mais l’arrivée du général Desaix sur le champ de bataille changea tout. Le Premier consul revint en vainqueur à Paris, saura tout mais n’en profitera que pour consolider son pouvoir en accélérant la paix intérieure, liée à la paix religieuse. Et dans le personnel politique français d’alors on était loin de réunir l’unanimité sur cette question. Un petit retour en arrière s’impose.


Une des raisons qui avait provoqué la deuxième coalition venait des troubles en Italie après le départ de Bonaparte. Lors d’une émeute antifrançaise, le général Duphot fut massacré à Rome. C’était quelqu’un de connu, proche de Joseph Bonaparte, ambassadeur à Rome, personnalité curieuse (9), sorti du rang, fait général de brigade, futur époux de Désirée Clary, ex promise de Bonaparte, et effectivement massacré lors d’une émeute antifrançaise. Berthier eut l’ordre du Directoire d’occuper Rome et de le venger. En plus des représailles habituelles, il arrêta le pape et entreprit de le ramener en France. Auparavant la république romaine a été proclamée le 15 février 1798, le pape est « déposé » de son pouvoir temporel. Pie VI a 81 ans, il est malade et demande la grâce de pouvoir mourir à Rome ; Berthier, futur Maréchal d’empire et qui devait être dans ses mauvais jours, lui répondit qu’on pouvait mourir partout, et il fut emmené hors de la ville. Mais la guerre de la deuxième coalition faisant reculer les armées françaises, on recula avec le pape. Il passa les Alpes sur une civière, pour traverser Briançon, Grenoble et arriver à Valence où il mourra d’épuisement dans un cachot. Il sera enseveli dans le cimetière de la ville sans aucun service religieux. Avec Louis XVI, il figure selon moi parmi les grands martyrs de la Révolution. Après Marengo, Bonaparte est le dirigeant incontesté de la république française, le 24 décembre 1801, le corps de Pie VI est transféré à Rome et le 10 février 1802, son successeur Pie VII célèbre ses funérailles dans la basilique Saint Pierre. Les relations entre la République et Rome se sont normalisées.


 


IV Pas de paix intérieure en France, sans paix religieuse : le Concordat 


Une des grandes qualités de Napoléon Bonaparte fut d’avoir compris cela très vite. Mais, pour ce qui concerne la Vendée, où la guerre continuait et où la question religieuse avait joué un rôle important, il ne pouvait pas agir dans la précipitation après le coup d’État du 9 novembre 1799. D’autant plus qu’il y avait eu une tentative ratée avec Hoche qui s’était soldée par l’exécution de Stofflet le 25 février 1796, ce qui avait durci les positions ! (10) Dans cette très difficile affaire, Bonaparte allait manifester deux de ses grandes qualités, qui font à la fois le grand stratège militaire et l’homme politique efficace : le choix sûr de bons collaborateurs et interlocuteurs, la rapidité réfléchie dans l’action ! 


D’abord il choisit comme conseiller l’abbé Bernier, ancien curé de Saint Lau, non-jureur, qui s’était lié à l’insurrection vendéenne dès le début et y avait acquis une grande notoriété, qui fut forcément sujette à contestation et polémique dans cette ambiance particulière ; il avait compté parmi les négociateurs du temps de Hoche et surtout était e